Peace of Meat : du foie gras belge sans abattage

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L’entreprise belge de viande cultivée Peace of Meat a reçu un important subside de recherche pour développer un foie gras sans animaux. La ministre flamande de l’Innovation Hilde Crevits a promis 3,6 millions d’euros au projet Foieture, une collaboration entre Peace of Meat et plusieurs acteurs du secteur alimentaire. L’intention est de développer un foie gras identique à celui issu de l’élevage conventionnel, mais sans la moindre souffrance animale.

Le foie gras, tel qu’il est commercialisé aujourd’hui, est basé sur le foie engraissé d’une oie ou d’un canard. Pour cela, les animaux sont obligés d’avaler de la bouillie de maïs à raison de deux fois par jour, matin et soir, pendant une dizaine de jours. Le gavage – et les souffrances qu’il engendre – restent indissociables de la production du foie gras. Les animaux deviennent obèses et souffrent de douleurs aux pattes, de fractures, de stress thermique et d’un foie anormalement obèse qui agit sur d’autres organes.

Malgré la souffrance animale qui en découle, le foie gras reste un produit relativement populaire, surtout sur les tables des fêtes de fin d’année. La France est de loin le plus grand producteur et consommateur de foie gras, avec environ 70 % de la production mondiale et 275 grammes consommés par habitant chaque année. La Belgique n’est pas en reste : en 2018, 105 grammes par habitant ont été consommés dans notre pays, ce qui place les Belges sur la deuxième marche du podium des plus gros consommateurs de foie gras au monde. À Bruxelles et en Flandre, le gavage est désormais interdit et la seule entreprise de production devra fermer en 2023. En Wallonie, par contre, aucune interdiction n’est prévue à ce jour et huit entreprises sont actives dans la production de foie gras. Compte tenu de la demande persistante, le faux gras a encore de beaux jours devant lui.

Peace of Meat espère avoir un proof-of-concept prêt en 2020, pouvoir vendre son premier pâté cellulaire cultivé en 2022 et commercialiser le premier foie gras en 2023.

Récemment, des recherches ont été menées sur la production de foie gras sans gavage, en injectant des bactéries directement dans le gosier. Mais cette technique n’empêche ni l’engraissement des canards ni leur abattage. Par contraste, le foie gras sans animal sera fabriqué à partir de quelques cellules souches de canard placées dans un « cultivateur » où leur sont données tous les nutriments qu’on retrouve dans l’alimentation naturelle du canard. Pour y parvenir, la start-up s’est associée à Solina (une PME spécialisée dans les épices pour la transformation de la viande), à Nauta (une PME produisant du pâté), à Flanders Food (le centre flamand d’innovation de l’industrie alimentaire), à la KU Leuven et au Bio Base Europe Pilot Plant. La première partie de la recherche portera sur cette culture cellulaire, suivie d’une phase de mise à l’échelle visant à obtenir les cellules en grande quantité. À terme, « Peace of Meat » espère obtenir un foie gras de canard prêt à être cuisiné.

Le secteur de la volaille a déjà réagi négativement. L’association sectorielle « Vlaamse Bedrijfspluimvee- en Konijnenhouders » (Éleveurs de volaille et de lapins flamands) a publié un message sur son site web, avec le message suivant : « le foie gras sans animaux ressemble à l’histoire de Frankenstein ». Il n’est pas surprenant que ces entreprises défendent leurs propres intérêts. Dans le livre du même nom, Frankensteinest un personnage sensible qui a été élevé de façon monstrueuse et qui recherche le bonheur, l’amitié et la reconnaissance de ses sentiments. Si l’auteur, Mary Shelley, était encore vivante aujourd’hui, quelle serait sa préférence ? Produire du foie gras avec des cellules de foie sans souffrance animale ? Ou au travers d’un élevage d’animaux souffrant de foies malades ?