Les consommateurs apprécient plus la viande cultivée s’ils sont correctement informés

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Pour la première fois, une étude sur l’acceptation par les consommateurs de la viande cultivée a été menée à l’Université de Maastricht, dans laquelle les participants ont pu réellement goûter de la viande étiquetée « viande cultivée ». Interview avec Nathalie Rolland, ancienne chercheuse à l’université de Maastricht et présidente de l’association Agriculture Cellulaire France.

Lorsque les consommateurs sont correctement informés sur la viande cultivée, la plupart sont prêts à payer environ 40 % de plus que pour la viande conventionnelle, selon une étude de l’Université de Maastricht (UM), où le professeur Mark Post a créé en 2013 le premier hamburger cultivé en laboratoire du monde. Depuis, à l’UM, et pour la première fois, une étude sur l’acceptation par les consommateurs de la viande cultivée a été menée, dans laquelle les participants ont pu réellement goûter de la viande étiquetée « viande cultivée ».

Vos recherches sont très originales. Les questions aux consommateurs sur la viande cultivée se font toujours sans échantillons de viande cultivée, car elle n’a pas encore été commercialisée. Vous avez contourné ce problème. Comment vous est venue l’idée de vos recherches ?

En effet, c’est la première fois que l’on a proposé à des personnes de goûter de la viande présentée comme étant de la viande cultivée pour étudier leurs réactions. Jusqu’à présent, on ne leur posait que la question sans leur proposer de dégustation. Mark Post avait cette idée d’étude et je voulais également tester l’effet de l’information sur le niveau d’acceptation des consommateurs. Une étude comme celle-là demande plus de moyens car il faut faire venir sur place les participants pour la dégustation. Nous avons proposé aux participants de goûter deux morceaux de viande : l’un présenté comme étant de la viande conventionnelle et l’autre presenté comme étant de la viande cultivée. En réalité les deux échantillons étaient de la viande conventionnelle. Les 193 participants ont tous goûté l’échantillon de viande « cultivée » et ils ont mieux noté le goût du burger « cultivé ».

Les 193 participants ont tous goûté l’échantillon de viande « cultivée » et ils ont mieux noté le goût du burger « cultivé ».

Nathalie Rolland
chercheuse à l'université de Maastricht et présidente d'Agriculture Cellulaire France

Une de vos conclusions est que le degré d’information des consommateurs fait vraiment la différence. Quel type d’information influence ou non les attitudes à l’égard de la viande cultivée ?

L’information est en effet très importante et le degré d’information a été, en fin de compte, le plus important facteur prédictif de l’acceptation des participants. Dans cette étude, c’est l’information sur les bénéfices personnels (processus de production, nutrition, santé, etc.) qui a eu le plus d’effet sur l’acceptation des participants. Le type d’information qui a eu le moins d’effet est en réalité un texte qui ne présentait pas les avantages spécifiques de cette viande. Les participants de cette étude semblaient déjà bien renseignés sur les bénéfices potentiels de cette viande pour la société (environnement, bien-être animal, nourrir la population, etc.).

Vous pointez aussi que même le goût est influencé psychologiquement : ceux qui ont participé à votre étude ont trouvé que la viande dite « cultivée » était plus savoureuse que la viande conventionnelle, même s’ils ont goûté deux fois le même produit pendant l’étude. Quelles leçons pouvons-nous en tirer ?

Il reste difficile de savoir avec certitude pourquoi les participants ont mieux noté le goût de l’échantillon présenté comme étant de la viande cultivée. Une des explications peut être qu’ils avaient des attentes basses en terme de goût de cette nouvelle viande, et que le fait qu’ils soient surpris par le goût de l’échantillon les a faire surnoter l’échantillon présenté comme étant de la viande cultivée. Je dirais qu’il faut que ces entreprises fassent de leur mieux pour produire une viande qui soit bonne et probablement proche de la viande conventionnelle, car les consommateurs pourraient avoir tendance à faire la comparaison entre les deux viandes.

Dans cette étude, c’est l’information sur les bénéfices personnels (processus de production, nutrition, santé, etc.) qui a eu le plus d’effet sur l’acceptation des participants, ainsi que les bénéfices potentiels de cette viande pour la société (environnement, bien-être animal, nourrir la population, etc.).

Nathalie Rolland
chercheuse à l'université de Maastricht et présidente d'Agriculture Cellulaire France

L’étude a été réalisée dans la province néerlandaise du Limbourg, où, selon vos recherches, les gens en savent davantage sur la viande cultivée et sont plus positifs à son égard. Y a-t-il une sorte de fierté dans la région ? L’université de Maastricht étant considérée comme le berceau mondial de la viande cultivée, grâce au travail de Mark Post…

C’est difficile à dire car nous n’avons pas étudié cela dans cette recherche. Nous n’avons pas de comparaison avec les autres régions des Pays-Bas. Mais nous pouvons penser qu’il y a plus d’articles sur le sujet qui ont été publiés à un niveau local et que les personnes de cette région pourraient être mieux renseignées sur les bénéfices potentiels de cette viande.